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Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/206

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des plus grandes affaires. Revenu au vice ou à la fanfaronnade du vice, il fut admis dans la cour intime de Néron, et devint l’arbitre du bon goût en toute chose[1] ; rien n’était galant, délicieux que Pétrone ne l’eût approuvé. L’affreux Tigellin, qui régnait par sa bassesse et sa méchanceté, craignit un rival qui le surpassait dans la science des voluptés ; il réussit à le perdre. Pétrone se respectait trop pour lutter contre ce misérable. Il ne voulut point cependant quitter brusquement la vie. Après s’être ouvert les veines, il les fit refermer, puis se les ouvrit de nouveau, s’entretenant de bagatelles avec ses amis, les écoutant causer, non de l’immortalité de l’âme et des opinions des philosophes, mais de chansons et de poésies légères. Il choisit ce moment pour récompenser quelques-uns de ses esclaves, et en faire châtier d’autres. Il se mit à table et dormit. Ce Mérimée sceptique, au ton froid et exquis, nous a laissé un roman[2] d’une verve, d’une finesse accomplies, en même temps que d’une corruption raffinée, qui est le parfait miroir du temps de Néron. Après tout, n’est pas roi de la mode qui veut. L’élégance de la vie a sa maîtrise, au-dessous de la science et de la

  1. Elegantiæ arbiter.
  2. L’opinion qui attribue le Satyricon à l’arbiter elegantiæ de Néron me paraît au moins très-probable.