Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/230

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La Perse, à ses moments de fanatisme et de terreur, avait connu d’affreux déploiements de tortures ; plus d’une fois elle y avait goûté une sorte de volupté sombre ; mais jamais avant la domination romaine on n’avait été jusqu’à chercher dans ces horreurs un divertissement public, un sujet de rires et d’applaudissements. Les amphithéâtres[1] étaient devenus les lieux d’exécution ; les tribunaux fournissaient l’arène. Les condamnés du monde entier étaient acheminés sur Rome pour l’approvisionnement du cirque et l’amusement du peuple[2]. Que l’on joigne à cela une atroce exagération dans la pénalité, qui faisait que de simples délits étaient punis de mort ; qu’on y ajoute de nombreuses erreurs judiciaires, résultat d’une procédure criminelle défectueuse, on concevra que toutes les idées fussent perverties. Les suppliciés étaient considérés bien plutôt comme des malheureux que comme des criminels ; en bloc, on les tenait pour presque innocents, innoxia corpora[3].

À la barbarie des supplices, cette fois, on ajouta la dérision. Les victimes furent gardées pour une

  1. Les amphithéâtres de ce temps étaient en bois. La construction des amphithéâtres en pierre date des empereurs flaviens. Suét., Vesp., 9.
  2. Martyrium S. Ignatii, 2 : εἰς τρέψιν τοῦ δήμου.
  3. Manilius, Astron., V, 616 et suiv. Comparez les idées que le moyen âge attacha aux mots marturiare, martroi.