Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

conçues comme attendant l’heure sainte sous l’autel divin et criant vengeance. L’ange de Dieu les calme, leur dit de se tenir en repos et d’attendre encore un peu ; le moment n’est pas loin où leurs frères désignés pour l’immolation seront tués à leur tour. Néron s’en chargera. Néron est ce personnage infernal à qui Dieu abandonnera pour un moment sa puissance, à la veille de la catastrophe ; il est ce monstre d’enfer qui doit apparaître comme un effrayant météore à l’horizon du soir des derniers jours[1].

L’air était partout comme imprégné de l’esprit du martyre. L’entourage de Néron semblait animé contre la morale d’une sorte de haine désintéressée ; c’était d’un bout à l’autre de la Méditerranée la lutte à mort du bien et du mal. Cette dure société romaine avait déclaré la guerre à la piété sous toutes ses formes ; celle-ci se voyait réduite à déserter un monde livré à la perfidie, à la cruauté, à la débauche ; il n’y avait pas d’honnêtes gens qui ne courussent des dangers. La jalousie de Néron contre la vertu est arrivée à son comble. La philosophie n’est occupée qu’à préparer ses adeptes aux tortures ; Sénèque, Thraséa, Baréa Soranus, Musonius, Cornutus ont subi ou sont près de subir les conséquences de leur noble protestation. Le supplice paraît

  1. Comp. saint Cyprien, De exhort. martyr., præf.