Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/541

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villes envisagées comme des foyers de corruption, une jalousie ardente contre les puissants États, fondés sur un principe militaire dont ils n’étaient pas capables, ou qu’ils n’admettaient pas.

Voilà ce qui a fait de l’Apocalypse un livre à beaucoup d’égards dangereux. C’est le livre par excellence de l’orgueil juif. Selon l’auteur, la distinction des juifs et des païens durera jusque dans le royaume de Dieu. Pendant que les douze tribus mangent des fruits de l’arbre de vie, les gentils doivent se contenter d’une décoction médicinale de ses feuilles[1]. L’auteur regarde les gentils, même croyant à Jésus, même martyrs de Jésus, comme des enfants d’adoption, comme des étrangers introduits dans la famille d’Israël, comme des plébéiens admis par grâce à s’approcher d’une aristocratie[2]. Son Messie est essentiellement le messie juif ; Jésus est pour lui avant tout le fils de David[3], un produit de l’Église d’Israël, un membre de la famille sainte que Dieu a choisie ; c’est l’Église d’Israël qui opère l’œuvre salutaire par cet élu sorti de son sein[4]. Toute pratique susceptible d’établir un lien entre la race pure et les

  1. Apoc., xxii, 2, εἰς θεραπείαν τῶν ἐθνῶν, trait ironique.
  2. Apoc., vii, 9 ; xiv, 3.
  3. Apoc., v, 5.
  4. Apoc., ii, 9 ; iii, 9 ; xi, 19 ; xiv, 1-3. Cf. xii et suiv. ; xxi, 12.