Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/542

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païens (manger les viandes ordinaires, pratiquer le mariage dans les conditions ordinaires) lui paraît une abomination. Les païens en bloc sont à ses yeux des misérables, souillés de tous les crimes, et qui ne peuvent être gouvernés que par la terreur. Le monde réel est le royaume des démons. Les disciples de Paul sont des disciples de Balaam et de Jézabel. Paul lui-même n’a pas de place parmi « les douze apôtres de l’Agneau », seule base de l’Église de Dieu ; et l’Église d’Éphèse, création de Paul, est louée « d’avoir mis à l’épreuve ceux qui se disent apôtres sans l’être, et d’avoir trouvé qu’ils ne sont que des menteurs ».

Tout cela est bien loin de l’Évangile de Jésus. L’auteur est trop passionné ; il voit tout comme à travers le voile d’une apoplexie sanguine, ou à la lueur d’un incendie. Ce qu’il y avait de plus lugubre à Paris, le 25 mai 1871, ce n’étaient pas les flammes ; c’était la couleur générale de la ville, quand on la voyait d’un point élevé : un ton jaune et faux, une sorte de pâleur mate. Telle est la lumière dont notre auteur colore sa vision. Rien ne ressemble moins au pur soleil de Galilée. On sent dès à présent que le genre apocalyptique, pas plus que le genre des épîtres, ne sera la forme littéraire qui convertira le monde. Ce sont ces petits recueils de sentences et de paraboles que dédaignent les traditionistes exacts, ce sont ces