Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/82

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que mon corps, soit que je vive, soit que je meure, servira à la gloire de Christ. D’un côté, Christ est ma vie, et mourir est pour moi un avantage ; de l’autre, si je vis, je verrai fructifier mon œuvre ; aussi ne sais-je lequel choisir. Je suis comprimé entre deux désirs contraires : d’une part, quitter ce monde et aller rejoindre Christ ; de l’autre, rester avec vous. Le premier serait meilleur pour moi ; mais le second vaut mieux pour vous.

Cette grandeur d’âme lui donnait une assurance, une gaieté, une force merveilleuses. « Si mon sang, écrit-il à une de ses Églises, est la libation dont doit être arrosé le sacrifice de votre foi, tant mieux, tant mieux ! Et vous aussi, dites : tant mieux ! avec moi[1]. » Il croyait cependant plus volontiers à son acquittement, et même à un prompt acquittement[2] ; il y voyait le triomphe de l’Évangile, et partait de là pour de nouveaux projets. Il est vrai qu’on ne voit plus sa pensée se diriger vers l’Occident. C’est à Philippes, c’est à Colosses qu’il songe à se retirer jusqu’au jour de l’apparition du Seigneur. Peut-être avait-il acquis une connaissance plus précise du monde latin, et avait-il vu que, hors de Rome et de la Campanie, pays devenus par l’immigration syrienne fort analogues à la Grèce et à l’Asie

  1. Phil., ii, 17-18.
  2. Phil., i, 25 ; ii, 24 ; Col., iv, 3-4 ; Philem., 22.