Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/119

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sorte de schibboleth pour écarter des synagogues les partisans de Jésus. Les conversions de juifs au christianisme n’étaient point rares en Syrie. La fidélité des chrétiens de ce pays aux observances mosaïques fournissait à cela de grandes facilités. Tandis que le disciple incirconcis de saint Paul ne pouvait avoir de relations avec un juif, le judéo-chrétien pouvait entrer dans les synagogues, s’approcher de la téba et du lutrin où se tenaient les officiants et les prédicateurs, faire valoir les textes qui favorisaient ses idées. On prit à cet égard diverses précautions[1]. La plus efficace put être d’obliger tous ceux qui voulaient prier dans la synagogue à réciter une prière qui, prononcée par un chrétien, eût été sa propre malédiction.

En résumé, malgré ses apparences étroites, cette Église nazaréo-ébionite de Batanée avait quelque chose de mystique et de saint, qui dut frapper beaucoup. La simplicité des conceptions juives sur la divinité la préservait de la mythologie et de la métaphysique, où le christianisme occidental ne devait pas tarder à verser. Sa persistance à maintenir le sublime paradoxe de Jésus, la noblesse et le bonheur

    lettres, à oulemînim (Derenb., p. 345, 346). Dans Mischna, Berakoth, ix, 9, mînim désigne réellement les sadducéens.

  1. Mischna, Megilla, iv, 9 ; Derenbourg, p. 354-355.