Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/135

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juive a introduit dans ses manières de penser, continuera de l’aimer.

Certes, en écrivant de pareilles vies, on est sans cesse amené à se dire comme Quinte-Curce[1] : Equidem plura transscribo quam credo. D’un autre côté, par un excès de scepticisme, on se prive de bien des vérités. Pour nos esprits clairs et scolastiques, la distinction d’un récit réel et d’un récit fictif est absolue. Le poëme épique, le récit héroïque, où l’homéride, le trouvère, l’antari, le cantistorie se meuvent avec tant d’aisance, se réduisent, dans la poétique d’un Lucain, d’un Voltaire, à de froids agencements de machines de théâtre qui ne trompent personne. Pour le succès de tels récits, il faut que l’auditeur les admette ; mais il suffit que l’auteur les croie possibles. Le légendaire, l’agadiste, ne sont pas plus des imposteurs que les auteurs des poëmes homériques, que Chrétien de Troyes ne l’étaient. Une des dispositions essentielles de ceux qui créent les fables vraiment fécondes, c’est l’insouciance complète à l’égard de la vérité matérielle. L’agadiste sourirait, si nous lui posions notre question d’esprits sincères : « Ce que tu racontes est-il vrai ? » Dans un tel état d’esprit, on ne s’inquiète que de la doctrine à incul-

  1. Quinte-Curce, IX, i, 34.