Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/136

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quer, du sentiment à exprimer. L’esprit est tout ; la lettre n’importe pas. La curiosité objective, qui ne se propose d’autre but que de savoir aussi exactement que possible la réalité des faits, est une chose dont il n’y a presque pas d’exemple en Orient.

De même que la vie d’un Bouddha dans l’Inde était en quelque sorte écrite d’avance, de même la vie d’un Messie juif était tracée a priori ; on pouvait dire ce qu’il devait faire, ce qu’il était tenu d’accomplir. Son type se trouvait avoir été sculpté en quelque sorte par les prophètes, sans que ceux-ci s’en fussent doutés, grâce à une exégèse qui appliquait au Messie tout ce qui se rapportait à un idéal obscur. Le plus souvent, cependant, c’était le procédé inverse qui prévalait chez les chrétiens. En lisant les prophètes, surtout les prophètes de la fin de l’exil, le second Isaïe, Zacharie, ils trouvaient Jésus à chaque ligne. « Réjouis-toi, fille de Sion ; saute de joie, fille de Jérusalem ; voici que ton roi vient à toi, juste et apportant le salut ; il est la douceur même ; sa monture est un âne, le petit de l’ânesse[1]. » Ce roi des pauvres, c’était Jésus, et l’on croyait se rappeler une circonstance où il accomplit cette prophétie[2]. — « La pierre qu’ils avaient

  1. Zach., ix, 9. Le vrai Zacharie finit avec le chapitre viii. Les chapitres ix-xiv paraissent d’une main plus ancienne.
  2. Vie de Jésus, p. 387.