Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/155

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n’a semé dans son champ que de la bonne semence ; mais, pendant qu’il dort, « l’homme ennemi » vient, sème l’ivraie dans le champ et s’en va. « Maître, disent les serviteurs, tu n’as semé que du bon grain ; d’où vient donc cette ivraie ? — C’est l’homme ennemi qui a fait cela, répond le maître. — Veux-tu que nous allions cueillir ces mauvaises herbes ? — Non ; car en même temps vous arracheriez le froment. Laissez le tout croître jusqu’à la moisson ; alors je dirai aux moissonneurs : « Cueillez d’abord l’ivraie et liez-la en gerbe pour la brûler ; quant au froment, rassemblez-le dans mon grenier[1]. » Il faut se rappeler que l’expression « l’homme ennemi[2] » était le nom habituel par lequel les ébionites désignaient Paul[3].

L’Évangile hébreu fut-il considéré par les chrétiens de Syrie qui s’en servaient comme l’ouvrage de l’apôtre Matthieu ? Aucune raison sérieuse ne porte à le croire[4]. Le témoignage des Pères de l’Église ne prouve

  1. Matth., xiii, 24 et suiv., 36 et suiv. Le semeur d’ivraie manque dans Marc, iv, 26-29. Le rédacteur de Matthieu l’a sans doute pris dans l’Évangile hébreu. Luc omet le tout.
  2. Ἐχθρὸς ἄνθρωπος.
  3. Voir Saint Paul, p. 305. Le verset Matth., xiii, 39 n’est pas une raison de repousser toute allusion à Paul. Ὁ διάϐολος peut être une atténuation du dernier rédacteur. Τοὺς ποιοῦντας τὴν ἀνομίαν du verset 41 est bien significatif. Voir ci-dessus, p. 108, note 2.
  4. Il faudrait pour le prétendre supposer que les circonstances