Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/165

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dans Luc. Ici, au contraire, tout est pris sur le vif ; on sent qu’on est en présence de souvenirs[1].

L’esprit qui domine dans le livret est bien celui de Pierre. D’abord, Céphas y joue un rôle éminent et paraît toujours à la tête des apôtres. L’auteur n’est nullement de l’école de Paul, et pourtant, à diverses reprises, il s’en rapproche bien plus que de la direction de Jacques, par son indifférence à l’égard du judaïsme, par sa haine pour le pharisaïsme, par son opposition vive aux principes de la théocratie juive[2]. Le récit de la Cananéenne[3], qui signifie évidemment que le païen obtient grâce pourvu qu’il ait la foi, qu’il soit humble, qu’il reconnaisse le privilège antérieur des fils de la maison, est bien d’accord avec le rôle que joue Pierre dans l’histoire du centurion Corneille[4]. Pierre, il est vrai, sembla plus tard à Paul un timide ; mais il n’en avait pas moins été, à sa date, le premier à reconnaître la vocation des gentils.

Nous verrons plus tard quel genre de modifications on se crut obligé d’introduire dans cette pre-

  1. Notez le récit domestique, si personnel, Marc, i, 29-34.
  2. Marc, ii, 16-iii, 6 ; vii, 1-23 ; viii, 11-21 ; xii, 1-17 ; xiii, 10, 14 et suiv.
  3. Marc, vii, 24 et suiv. Cf. Matth., xv, 21-28.
  4. Act., x, 1 et suiv. Il est vrai qu’il faut ici faire une part aux tendances personnelles de l’auteur des Actes.