Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

un tempérament philosophe et vertueux vaut mieux qu’une moralité de parti pris. Le tempérament ne change pas, et le parti pris change. On a donc pu supposer que la bonté de Titus ne fut que l’effet d’un arrêt de développement ; on s’est demandé si, au bout de quelques années, il n’eût pas tourné comme Domitien.

Ce ne sont là cependant que des appréhensions rétrospectives. La mort vint soustraire Titus à une épreuve qui, trop prolongée, lui eût peut-être été fatale[1]. Sa santé dépérissait à vue d’œil. À chaque instant, il pleurait, comme si, après avoir atteint contre les désignations apparentes le premier rang du monde, il voyait la frivolité de toutes choses. Une fois surtout, à la fin de la cérémonie d’inauguration du Colisée, il fondit en larmes devant le peuple[2]. Dans son dernier voyage pour se rendre à Rieti, il était accablé de tristesse. À un moment, on le vit écarter les rideaux de sa litière, regarder le ciel, jurer qu’il n’avait pas mérité la mort[3]. Peut-être était-ce épuisement, énervation produite par le rôle qu’il s’imposait ; la vie de débauches qu’il avait

  1. Dion Cassius, LXVI, 18 ; Ausone, De duod. imp., p. 866 (édit. Migne).
  2. Suétone, Titus, 10 ; Dion Cassius, LXVI, 26.
  3. Suétone, Titus, 10.