Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/221

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croire à un travail fait de souvenir[1]. Cela est de peu de conséquence. Ce qui est capital, c’est que le texte dit de Matthieu suppose celui de Marc comme préexistant et ne fait guère que le compléter. Il le complète de deux manières, d’abord en y insérant ces longs discours qui faisaient le prix des Évangiles hébreux, puis en y ajoutant des traditions de formation plus moderne, fruits des développements successifs de la légende, et auxquelles la conscience chrétienne attachait déjà infiniment de prix. La rédaction dernière a du reste beaucoup d’unité de style ; une même main s’est étendue sur les morceaux fort divers qui sont entrés dans la composition[2]. Cette unité porte à croire que, pour les parties étrangères à Marc, le rédacteur travaillait sur l’hébreu ; s’il avait utilisé une traduction, on sentirait des différences de style entre le fond et les parties intercalées. D’ailleurs, le goût du temps était plutôt aux remaniements qu’aux traductions proprement dites[3]. Les cita-

  1. Bizarres consonnances de mots employés en des circonstances plus ou moins parallèles, mais bouleversés : ἀπήγγειλαν, Marc, vi, 30 et Matth., xiv, 12 ; ἐξέστη et ἐξίσταντο, Marc, iii, 21 ; Matth., xii, 23.
  2. Voir les tableaux dressés par M. Réville, Études crit. sur l’Évang. selon saint Matthieu, p. 2 et suiv.
  3. Que le Matthieu actuel ne soit pas une simple traduction d’un original hébreu, c’est ce que prouvent, outre l’emploi des