Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/452

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l’on prévenait par la mort ou l’exil. C’est ainsi que l’empire romain tua la vie antique, tua l’âme, tua la science, forma cette école d’esprits lourds et bornés, de politiques étroits qui, sous prétexte d’arrêter la superstition, amenèrent en réalité le triomphe de la théocratie.

Un grand affaiblissement intellectuel était la conséquence de ces efforts pour revenir à une foi que personne n’avait plus. Une sorte de banalité se répandit sur les croyances et leur enleva tout sérieux. Les libres penseurs, innombrables au ier siècle avant et au ier siècle après Jésus-Christ[1], diminuent peu à peu et disparaissent. Le ton dégagé de la grande littérature latine se perd et fait place à une pesante crédulité. La science s’éteint de jour en jour. Depuis la mort de Sénèque, on peut dire qu’il n’y a plus un seul savant tout à fait rationaliste.

    cunt, ex quibus animi hominum moveantur, honestiores deportantur, humiliores capite puniuntur. » Paul, Sentent., V, xxi, 2. Cf. Digeste, l. 30, De pœnis (XLVIII, 19) : « Si quis aliquid fecerit quo leves hominum animi superstitione numinis terrerentur, Divus Marcus hujusmodi homines in insulam relegari rescripsit. » Ce rescrit se rapportait sans doute à des faits comme celui qui est rapporté dans Jules Capitolin, Ant. Phil., 13.

  1. Qu’on se rappelle César, Lucrèce, Cicéron, Horace, etc. Voir, par exemple, Cicéron, De nat. deorum, II, 2. Juvénal seul continue, dans la société romaine, jusqu’aux temps d’Adrien l’expression d’une franche incrédulité.