Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/93

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que le nom d’ébionim continua d’être le titre que se donnaient les saints mendiants de Jérusalem[1]. Quoi qu’il en soit, « nazaréens » resta toujours en Orient le mot générique pour désigner les chrétiens ; Mahomet n’en connut pas d’autre, et les musulmans s’en servent encore de nos jours. Par un bizarre contraste, le nom de « nazaréens », à partir d’une certaine époque[2], présenta, comme celui d’ « ébionites », un sens fâcheux à l’esprit des chrétiens grecs ou latins. Il était arrivé dans le christianisme ce qui arrive dans presque tous les grands mouvements ; les fondateurs de la religion nouvelle, aux yeux des foules étrangères qui s’y étaient affiliées, n’étaient plus que des arriérés, des hérétiques ; ceux qui avaient été le noyau de la secte s’y trouvaient isolés et comme dépaysés. Le nom d’ébion, par lequel ils se désignaient, et qui avait pour eux le sens le plus élevé, devint une injure et fut hors de Syrie synonyme de sectaire dangereux ; on en fit des plaisanteries, et on l’interpréta ironiquement dans le sens de « pauvre d’esprit »[3]. L’antique dénomination de « naza-

  1. Gal., ii, 10.
  2. Cela ne s’observe pas avant saint Épiphane.
  3. Origène, De princ., IV, 22 (Opp., I, 183) Contre Celse, II, 1 ; Philocalie d’Orig., I, 17 ; Eusèbe, H. E., III, xxvii, 6 ; l’interpolateur d’Ignace ad Phil., § 6 ; Épiph., xxx, 17.