Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/94

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réens », à partir du IVe siècle, désigna de même pour l’Église catholique orthodoxe des hérétiques à peine chrétiens[1].

Ce singulier malentendu s’explique quand on considère que les ébionim et les nazaréens restaient fidèles à l’esprit primitif de l’Église de Jérusalem et des frères de Jésus, d’après lesquels Jésus n’était qu’un prophète élu de Dieu pour sauver Israël, tandis que, dans les Églises sorties de Paul, Jésus devenait de plus en plus une incarnation de Dieu. Selon les chrétiens helléniques, le christianisme se substituait à la religion de Moïse comme un culte supérieur à un culte inférieur. Aux yeux des chrétiens de la Batanée, c’était là un blasphème. Non-seulement ils ne

  1. Épiphane, hær. xxix et xxx, et Resp. ad Acac. et Paul., sub fin. L’identité primitive des ébionim et des nazaréens est entrevue par Épiphane, hær. xxx, 1, 2 ; puis il la méconnaît. Rien de plus confus que le système de ce Père, égaré par son fanatisme orthodoxe. Ailleurs il admet des nazaréens purement juifs (hær. xviii) ; les rapprochements qu’il fait entre eux et les ossènes (hær. xix) sont superficiels. Il ne veut à aucun prix que les sectaires judaïsants, qu’il déteste, soient la descendance directe de la famille et des vrais disciples de Jésus. Le passage de Jules Africain, dans Eusèbe, H. E., I, vii, 14, malgré ses inexactitudes, associe les nazaréens, Kokaba et les parents de Jésus. Kokaba était le séjour commun de trois catégories de personnes, au fond identiques : les nazaréens, les ébionim et les δεσπόσυνοι. Les rapprochements qu’on a faits entre les nazaréens et les nosaïris ou ansariés sont sans fondement.