Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/200

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du cœur. On remplaçait l’effort moral par une prétendue science ; on mettait le rêve à la place des réalités chrétiennes ; chacun se donnait le droit de se tailler à sa guise un christianisme de fantaisie dans les dogmes et les livres antérieurs. Ce n’était plus le christianisme ; c’était un parasite étranger qui cherchait à se faire passer pour une branche de l’arbre de vie. Jésus n’était plus un fait sans analogue ; il était une des apparitions de l’esprit divin[1]. Le docétisme, réduisant à l’apparence toute la vie humaine de Jésus, était le fond de toutes ces erreurs. Modéré encore chez Basilide et Valentin[2], il est absolu chez Saturnin[3], et, chez Marcion, nous le verrons réduire toute la carrière mondaine du Sauveur à une pure apparition.

L’orthodoxie saura résister à ces dangereuses imaginations[4], tout en se laissant entraîner parfois à ce qu’elles avaient de séducteur[5]. Des Évangiles se

  1. Cette doctrine des Christs successifs se trouve déjà chez les elkasaïtes. Philos., X, 29.
  2. Irénée, III, xvi, 1 ; Philos., VI, 35 ; VII, 26, 27 ; Clém. d’Alex., Strom., III, 7 ; Tertullien, Adv. Valent., c. 27 ; Theodoret, Hæret. fab., I, 7.
  3. Irénée, I, xxiv, 2. Cf. Irénée, III, x, 4 ; xi, 1, 3, 7 ; xvi, 1 ; IV, xxxiii, 5 ; V, i, 2 ; Clém. d’Alex., Strom., VII, 17 ; Philosoph., VIII, 11 ; Eusèbe, H. E., VI, 12.
  4. I Joh., i, 1 ; iv, 1 et suiv. ; II Joh., 7 ; Pseudo-Ign., ad Trall., 10 ; ad Smyrn., 2, 4, 5 ; et Polycarpe, 7.
  5. Notez le singulier passage Pseudo-Ign., ad Eph., 19.