Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/199

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qu’il était avantageux que Jésus expirât sur la croix, rompit le charme, en le livrant à ses ennemis. Il fut ainsi le pneumatique le plus pur. On appelait ces singuliers chrétiens caïnites[1]. Ils enseignaient, comme Carpocrate, que, pour être sauvé, il faut avoir fait toute sorte d’actions et, en quelque manière, épuisé toutes les expériences de la vie ; ils mettaient, dit-on, la perfection de l’homme éclairé à commettre hardiment les œuvres les plus ténébreuses. Chaque action a un ange qui y préside ; ils invoquaient cet ange en la faisant. Leurs livres étaient dignes de leurs mœurs. Ils avaient l’Évangile de Judas et quelques autres écrits, faits pour exhorter à détruire l’œuvre du Créateur, un livre, en particulier, intitulé l’Ascension de saint Paul, où il paraît qu’ils avaient mis des abominations.

C’étaient là des aberrations sans portée véritable, et que certainement les gnostiques sérieux repoussaient aussi bien que les orthodoxes. Ce qu’il y avait de réellement grave, c’était la destruction du christianisme qui était au fond de toutes ces spéculations. On supprimait en réalité le Jésus vivant ; on ne laissait qu’un Jésus fantôme sans efficacité pour la conversion

  1. Irénée et autres passages cités ci-dessus, p. 182, note. Cf. Clément d’Alex., Strom., VII, 17 ; Chabouillet, Catal. des camées de la Bibl. imp., p. 286, 288.