fallu être bien avide de vie pour ne pas être, au
bout de ce temps, « rassasié de jours » ! À nos yeux,
un paradis de mille ans serait peu de chose, puisque
chaque année nous rapprocherait du terme où tout
s’évanouirait. Les dernières années qui précéderaient
le néant nous paraîtraient un enfer, et la perspective
de l’an 999 suffirait pour empoisonner le bonheur
des années qui auraient précédé. Mais il ne
faut pas demander de logique aux solutions que
l’homme imagine pour sortir de l’intolérable destinée
qui lui est échue. Invinciblement porté à croire au
juste, et jeté dans un monde qui est l’injustice même,
ayant besoin de l’éternité pour ses revendications,
et brusquement arrêté par le fossé de la mort, que
voulez-vous qu’il fasse ? Il s’accroche au cercueil, il
rend la chair à l’os décharné, la vie au cerveau
plein de pourriture, la lumière à l’œil éteint ; il imagine
des chimères dont il rirait chez un enfant, pour
ne pas avouer que Dieu a pu se moquer de sa création
jusqu’à lui imposer le fardeau du devoir sans
compensation.
Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/155
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