Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/234

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et triomphant. Le chrétien, suspendu tout entier à la vie future, n’est jamais plus assuré de sa foi que quand il est persécuté. Le martyr juif n’a pas les mêmes clartés. « Où est maintenant votre Dieu ? » est la question ironique qu’il croit toujours entendre sortir de la bouche des païens[1]. Jusqu’à son dernier moment, R. Ismaël ben Elischa ne cessa de combattre les pensées qui s’élevaient dans son âme et dans celle de ses compagnons contre la justice divine. « As-tu encore confiance en ton Dieu ? » lui demanda-t-on. — « Quand même il me tuerait, j’espérerais en lui[2] » répondit Ismaël, se servant d’un mot de Job mal interprété[3].

Aquiba, depuis longtemps prisonnier, ne cessait pas, malgré sa captivité, d’être en relation avec ses disciples. « Préparez-vous à la mort ; d’affreux jours viennent, » était le mot qu’il avait toujours à la bouche[4]. Quelques enseignements intimes, dont le secret fut livré aux Romains, le firent exécuter. On l’écorcha, dit-on, avec des crochets de fer rougis au feu. Pendant qu’on le mettait en pièces, il criait obstinément : « Jéhovah est notre Dieu !

  1. Comp. Ps. xxii, 9.
  2. Légende des dix martyrs, p. 180 (trad. ital.).
  3. Job, xiii, 15.
  4. Talm, de Bab., Chulin, 123 a.