Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/247

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récompensé de sa justice, mais frappé par suite de sa vertu même ; un acte de vertu suivi d’un malheur qui en est la conséquence. Comment prétendre après cela que le serviteur de Jéhovah touche toujours le prix de sa fidélité ? « Où sont tes aumônes ? où sont tes bonnes actions ? lui dit sa femme. Comme on voit bien le profit que tu en as retiré ! »

Tobie persiste dans l’affirmation du vrai israélite : « Dieu est juste et bon. » Poussant l’héroïsme jusqu’à se calomnier pour justifier Dieu, il proclame qu’il a mérité son sort, d’abord à cause de ses péchés et des manquements qu’il a commis par ignorance, puis à cause des péchés de ses pères. C’est parce que les ancêtres de la génération actuelle ont été coupables que cette génération est dispersée, honnie. Tobie ne demande qu’une faveur, c’est de mourir tout de suite, « pour redevenir terre[1] et passer au lieu éternel[2] ».

Or, le même jour, à Ecbatane, une autre créature affligée demandait aussi à Dieu la mort. C’était

  1. Ὅπως ἀπολυθῶ καὶ γένωμαι γῆ. Ch. iii, 6.
  2. Εἰς τὸν αἰώνιον τόπον. Ibid. Τόπος a ici le sens de loculus, tombeau. (Voir Mission de Phén., p. 346, 347.) Τόπος αἰώνιος est l’équivalent de בית צולם, domus æterna, « tombeau ». Si on entend τόπος αἰώνιος du repos éternel au paradis, le discours de Tobie, surtout les mots λυσιτελεῖ μοι ἀποθανεῖν ἢ ζῆν n’ont plus de sens. Le verset du texte latin, ii, 18, est une interpolation.