Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/296

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les elkasaïtes qui observent cette kibla à la lettre ne font que symboliser les sentiments de tous. Mais une telle lutte contre l’évidence ne put durer longtemps. Bientôt le judéo-christianisme n’eut plus d’Église mère, et les traditions nazaréennes ou ébionites ne vécurent que chez les sectaires épars de la Syrie.

Haïs des juifs, presque étrangers aux Églises de saint Paul, les judéo-chrétiens s’amoindrirent de jour en jour. À l’inverse des autres Églises, toutes placées dans les grandes villes et participant de la civilisation générale, les judéo-chrétiens étaient épars dans des villages ignorés, où nul bruit du monde n’arrivait. L’épiscopat fut le fruit des grandes cités ; ils n’eurent pas l’épiscopat. N’ayant ainsi aucune hiérarchie organisée, privés du lest de l’orthodoxie catholique, ballottés par tous les vents, ils se confondirent plus ou moins avec l’esséisme, l’elkasaïsme. Les croyances messianiques aboutirent, chez eux, à des théories d’anges sans fin. La théosophie et l’ascétisme des esséens firent oublier les mérites de Jésus ; l’abstinence de la chair et les anciens préceptes des nazirs prirent une importance exagérée[1]. La littérature des

    déjà dans l’ancien judaïsme. Psaume xxii, 2 ; I Rois, viii, 44, 48 ; Daniel, vi, 11.

  1. Épiphane, hær. xxix et xxx. Épiphane avait vécu avec ces sectaires à Éleuthéropolis et en Chypre.