Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/308

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Prytanée, le Pécile, le Canope, l’Alphée, la vallée de Tempé, les champs Élysées, le Tartare, des temples, des bibliothèques, des théâtres, un hippodrome, une naumachie, un gymnase, des thermes. Lieu étrange, attachant néanmoins ! Car c’est le dernier endroit où l’on se soit amusé, où des gens d’esprit se soient endormis au vain bruit de « l’Achéron avare ». À Rome, le grand souci du fantasque empereur était ce tombeau insensé, mausolée immense, où Babylone était vaincue, et qui, dépouillé de ses ornements, a été la citadelle de la Rome papale. Ses constructions couvraient le monde ; les athénées qu’il fondait, les encouragements qu’il prodiguait aux lettres, aux beaux-arts, les immunités qu’il accordait aux professeurs, réjouissaient le cœur de tous les lettrés[1]. Malheureusement la superstition, la bizarrerie, la cruauté, prenaient de plus en plus le dessus chez lui à mesure que ses forces physiques l’abandonnaient. Il s’était bâti un Élysée pour n’y pas croire, un enfer pour en rire, une salle des Philosophes pour railler les philosophes, un Canope pour montrer les impostures des prêtres et se rappeler les folles fêtes de l’Égypte, qui l’avaient tant fait rire. Maintenant tout lui paraissait creux et vide ; rien ne le soutenait plus.

  1. Digeste, XXVII, tit. i, l. 6.