Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/534

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phes. La crèche de Jésus manquerait sans eux de ses plus jolis détails. Leur avantage, c’était leur infériorité même. Les Évangiles canoniques étaient une trop forte littérature pour le peuple. Des récits vulgaires, souvent bas, étaient mieux au niveau de la foule que le Sermon sur la montagne ou les discours du quatrième Évangile.

Aussi le succès de ces écrits frauduleux fut-il immense. Dès le ive siècle, les Pères grecs les plus instruits, Épiphane, Grégoire de Nysse, les adoptent sans réserve. L’Église latine hésite, fait même des efforts pour les expulser des mains des fidèles[1], mais n’y réussit pas. La Légende dorée y puise largement. Au moyen âge, les Évangiles apocryphes jouissent d’une vogue extraordinaire ; ils ont même un avantage sur les canoniques, c’est que, n’étant pas Écriture sacrée, ils peuvent être traduits en langue vulgaire. Pendant que la Bible est en quelque sorte mise sous clef, les apocryphes sont dans toutes les mains. Les miniaturistes s’y attachent avec amour ; les rimeurs s’en emparent, les mystères les mettent en drame sur le parvis des églises. Le premier auteur moderne

  1. Décret de Gélase de 494. Saint Jérôme en est l’ennemi acharné. Fulbert de Chartres et Vincent de Beauvais sont partagés entre les anathèmes des Pères et l’admiration que ces écrits leur inspirent.