Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/91

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plus de royaume de Dieu, plus de Messie juif, plus de millénarisme, plus même de judaïsme. Le judaïsme est oublié, condamné ; « les juifs » sont des méchants, des ennemis de la vérité. Ils n’ont pas voulu recevoir le Verbe, qui est venu chez eux[1]. L’auteur ne veut plus rien savoir d’eux, sinon qu’ils ont tué Jésus, de même que, pour les schiites persans, le nom d’Arabe est synonyme d’impie, de mécréant, puisque ce sont des Arabes qui ont tué les plus saints entre les fondateurs de l’islam[2].

Ce qui est le défaut littéraire du quatrième Évangile fera de la sorte son caractère universel. Cet Évangile débarrasse le christianisme d’une foule d’attaches originelles ; il lui permet la chose la plus essentielle aux créations qui veulent vivre, l’ingratitude envers ce qui a précédé. L’auteur croit sérieusement qu’aucun prophète n’est sorti de Galilée[3]. La métaphysique chrétienne, déjà ébauchée dans l’épître aux Colossiens et dans l’épître dite aux Éphésiens, est achevée dans le quatrième Évangile. Ce sera l’Évangile cher à tous ceux qui, humiliés de ce fait que Jésus a été un juif, ne voudront entendre parler ni de judéo-

  1. Jean, i, 11.
  2. Notez le rôle des juifs à Smyrne dans le martyre de Polycarpe, §§ 12, 13, 17, 18.
  3. Jean, iv, 52.