Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/90

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trième Évangile, né le dernier, frelaté à tant d’égards, où des tirades philoniennes étaient substituées aux vrais discours de Jésus, met plus d’un demi-siècle à se faire sa place ; puis il triomphe sur toute la ligne. Il était si commode, pour les besoins de la théologie et de l’apologétique du temps, au lieu d’une petite histoire tout humaine d’un prophète juif de Galilée, d’avoir une sorte de drame métaphysique, échappant aux objections qu’un Celse préparait déjà ! Le Verbe divin au sein de Dieu ; le Verbe créant toute chose ; le Verbe se faisant chair, habitant parmi les hommes, si bien que certains mortels privilégiés ont eu le bonheur de le voir, de le toucher de leurs mains[1] ! Vu la tournure spéciale de l’esprit grec, qui, de si bonne heure, s’empara du christianisme, cela paraissait bien plus sublime. On pouvait tirer de là toute une théologie dans le goût de Plotin. La fraîcheur de l’idylle galiléenne, éclairée par le soleil du royaume de Dieu, était peu goûtée des vrais Hellènes. Ils devaient préférer un Évangile où le rêve était transporté dans le monde des abstractions, et d’où la croyance à une prochaine fin du monde était bannie. Ici, plus d’apparition matérielle dans les nuées, plus de paraboles, plus de possédés,

  1. Évangile et Épître, init.