Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/99

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L’essence du christianisme se transporte sur le terrain du dogme ; la gnosis est tout ; connaître Jésus et le connaître d’une certaine manière, voilà le salut[1]. Ce qui est sorti du quatrième Évangile, c’est la théologie, c’est-à-dire une assez malsaine application de l’esprit, où s’est usé le monde byzantin, à partir du IVe siècle, et qui aurait eu pour l’Occident des conséquences non moins funestes, si le démon de la subtilité n’avait eu affaire de ce côté à des muscles plus fermes et à des cerveaux plus lourds.

En cela le christianisme tournait bien décidément le dos au judaïsme, et ce n’est pas sans raison que le gnosticisme, qui est la plus haute expression du christianisme spéculatif, poussera la haine du judaïsme jusqu’à la dernière exagération. Le judaïsme, faisant consister la religion dans des pratiques, laissait tout ce qui touche au dogme philosophique à l’état d’opinion particulière ; la cabbale, le panthéisme devaient s’y développer librement, à côté d’observances poussées jusqu’à la minutie[2]. Un israélite de mes amis, aussi libre penseur qu’on peut l’être, et avec cela scrupuleux talmudiste, me disait : « L’un rachète l’autre. L’étroite observance est la compensation des

  1. Jean, xiv, xvii entiers ; I Joh, entière.
  2. La même chose, à beaucoup d’égards, eut lieu dans l’ancien brahmanisme (Journ. des sav., nov. 1878).