Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son Église une certaine primauté, et lui donna le surnom syriaque de Képha (pierre), voulant signifier par là qu’il faisait de lui la pierre angulaire de l’édifice. Un moment, même, il semble lui promettre « les clefs du royaume du ciel, » et lui accorder le droit de prononcer sur la terre des décisions toujours ratifiées dans l’éternité.

Nul doute que cette primauté de Pierre n’ait excité un peu de jalousie. La jalousie s’allumait surtout en vue de l’avenir, en vue de ce royaume de Dieu, où tous les disciples seraient assis sur des trônes, à la droite et à la gauche du maître, pour juger les douze tribus d’Israël. On se demandait qui serait alors le plus près du « fils de l’homme, » figurant en quelque sorte comme son premier ministre et son assesseur. Les deux fils de Zébédée aspiraient à ce rang. Préoccupés d’une telle pensée, ils mirent en avant leur mère, Salomé, qui un jour prit Jésus à part et sollicita de lui les deux places d’honneur pour ses fils. Jésus écarta la demande par son principe habituel que celui qui s’exalte sera humilié, et que le royaume des cieux appartiendra aux petits. Cela fit quelque bruit dans la communauté ; il y eut un grand mécontentement contre Jacques et Jean. La même rivalité semble poindre dans l’évangile de Jean, où l’on voit le narrateur déclarer sans cesse qu’il a été le « disciple chéri » auquel le maître en mourant a confié sa mère, et chercher à se placer près de