Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/124

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simples, bons, heureux, bercés doucement sur leur délicieuse petite mer, ou dormant le soir sur ses bords. On ne se figure pas l’enivrement d’une vie qui s’écoule ainsi à la face du ciel, la flamme douce et forte que donne ce perpétuel contact avec la nature, les songes de ces nuits passées à la clarté des étoiles, sous un dôme d’azur d’une profondeur sans fin. Ce fut durant une telle nuit que Jacob, la tête appuyée sur une pierre, vit dans les astres la promesse d’une postérité innombrable, et l’échelle mystérieuse par laquelle les Elohim allaient et venaient du ciel à la terre. A l’époque de Jésus, le ciel n’était pas fermé, ni la terre refroidie. La nue s’ouvrait encore sur le fils de l’homme ; les anges montaient et descendaient sur sa tête ; les visions du royaume de Dieu étaient partout ; car l’homme les portait en son cœur. L’œil clair et doux de ces âmes simples contemplait l’univers en sa source idéale ; le monde dévoilait peut-être son secret à la conscience divinement lucide de ces enfants heureux, à qui la pureté de leur cœur mérita un jour de voir Dieu.

Jésus vivait avec ses disciples presque toujours en plein air. Tantôt, il montait dans une barque, et enseignait ses auditeurs pressés sur le rivage. Tantôt, il s’asseyait sur les montagnes qui bordent le lac, où l’air est si pur et l’horizon si lumineux. La troupe fidèle allait ainsi, gaie et vagabonde, recueillant les inspirations du maître dans leur première fleur. Un doute naïf s’élevait