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en effet cette figure étrange de la vieille histoire d’Israël. Jésus ne tarissait pas sur les mérites et l’excellence de son précurseur. Il disait que parmi les enfants des hommes il n’en était pas né de plus grand. Il blâmait énergiquement les pharisiens et les docteurs de ne pas avoir accepté son baptême, et de ne pas s’être convertis à sa voix.

Les disciples de Jésus furent fidèles à ces principes du maître. Le respect de Jean fut une tradition constante dans la première génération chrétienne. On le supposa parent de Jésus. Pour fonder la mission de celui-ci sur un témoignage admis de tous, on raconta que Jean, dès la première vue de Jésus, le proclama Messie ; qu’il se reconnut son inférieur, indigne de délier les cordons de ses souliers ; qu’il se refusa d’abord à le baptiser et soutint que c’était lui qui devait être baptisé par Jésus. C’étaient là des exagérations, que réfutait suffisamment la forme dubitative du dernier message de Jean. Mais, en un sens plus général, Jean resta dans la légende chrétienne ce qu’il fut en réalité, l’austère préparateur, le triste prédicateur de pénitence avant les joies de l’arrivée de l’époux, le prophète qui annonce le royaume de Dieu et meurt avant de le voir. Géant des origines chrétiennes, ce mangeur de sauterelles et de miel sauvage, cet âpre redresseur de torts, fut l’absinthe qui prépara les lèvres à la douceur du royaume de Dieu. Le décollé d’Hérodiade ouvrit l’ère des martyrs chrétiens ;