Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute la terre. Les esséniens, qui étaient à peine des juifs, paraissent aussi avoir été indifférents au temple et aux observances mosaïques. Mais ce n’étaient là que des hardiesses isolées ou non avouées. Jésus le premier osa dire qu’à partir de lui, ou plutôt à partir de Jean, la Loi n’existait plus. Si quelquefois il usait de termes plus discrets, c’était pour ne pas choquer trop violemment les préjugés reçus. Quand on le poussait à bout, il levait tous les voiles, et déclarait que la Loi n’avait plus aucune force. Il usait à ce sujet de comparaisons énergiques. « On ne raccommode pas, disait-il, du vieux avec du neuf. On ne met pas le vin nouveau dans de vieilles outres. » Voilà, dans la pratique, son acte de maître et de créateur. Ce temple exclut les non-Juifs de son enceinte par des affiches dédaigneuses. Jésus n’en veut pas. Cette Loi étroite, dure, sans charité, n’est faite que pour les enfants d’Abraham. Jésus prétend que tout homme de bonne volonté, tout homme qui l’accueille et l’aime, est fils d’Abraham. L’orgueil du sang lui paraît l’ennemi capital qu’il faut combattre. Jésus, en d’autres termes, n’est plus juif. Il est révolutionnaire au plus haut degré ; il appelle tous les hommes à un culte fondé sur leur seule qualité d’enfants de Dieu. Il proclame les droits de l’homme, non les droits du juif ; la religion de l’homme, non la religion du juif ; la délivrance de l’homme, non la délivrance du juif. Ah ! que nous sommes loin d’un Judas Gaulonite, d’un Mathias