Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/172

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près, dans la plupart des cas où il rencontre des païens, il montre pour eux une grande indulgence ; parfois il affecte de fonder sur eux plus d’espoir que sur les Juifs. Le royaume de Dieu leur sera transféré. « Quand un propriétaire est mécontent de ceux à qui il a loué sa vigne, que fait-il ? Il la loue à d’autres, qui lui rapportent de bons fruits. » Jésus devait tenir d’autant plus à cette idée que la conversion des gentils était, selon les idées juives, un des signes les plus certains de la venue du Messie. Dans son royaume de Dieu, il fait asseoir au festin, à côté d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, des hommes venus des quatre vents du ciel, tandis que les héritiers légitimes du royaume sont repoussés. Souvent, il est vrai, on croit trouver dans les ordres qu’il donne à ses disciples une tendance toute contraire : il semble leur recommander de ne prêcher le salut qu’aux seuls Juifs orthodoxes ; il parle des païens d’une manière conforme aux préjugés des Juifs. Mais il faut se rappeler que les disciples, dont l’esprit étroit ne se prêtait pas à cette haute indifférence pour la qualité de fils d’Abraham, ont bien pu faire fléchir dans le sens de leurs propres idées les instructions de leur maître. En outre, il est fort possible que Jésus ait varié sur ce point, de même que Mahomet parle des Juifs, dans le Coran, tantôt de la façon la plus honorable, tantôt avec une extrême dureté, selon qu’il espère ou non les attirer à lui. La tradition, en effet, prête à Jésus deux