Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

règles de prosélytisme tout à fait opposées et qu’il a pu pratiquer tour à tour : « Celui qui n’est pas contre vous est pour vous. » — « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi. » Une lutte passionnée entraîne presque nécessairement ces sortes de contradictions.

Ce qui est certain, c’est qu’il compta parmi ses disciples plusieurs des gens que les Juifs appelaient « Hellènes. » Ce mot avait, en Palestine, des sens fort divers. Il désignait tantôt des païens, tantôt des Juifs parlant grec et habitant parmi les païens, tantôt des gens d’origine païenne convertis au judaïsme. C’est probablement dans cette dernière catégorie d’Hellènes que Jésus trouva de la sympathie. L’affiliation au judaïsme avait beaucoup de degrés ; mais les prosélytes restaient toujours dans un état d’infériorité à l’égard du Juif de naissance. Ceux dont il s’agit ici étaient appelés « prosélytes de la porte » ou « gens craignant Dieu, » et assujettis aux préceptes de Noé, non aux préceptes mosaïques. Cette infériorité même était sans doute la cause qui les rapprochait de Jésus et leur valait sa faveur.

Il en usait de même avec les Samaritains. Serrée comme un îlot entre les deux grandes provinces du judaïsme (la Judée et la Galilée), la Samarie formait en Palestine une espèce d’enclave, où se conservait le vieux culte du Garizim, frère et rival de celui de Jérusalem. Cette pauvre secte, qui n’avait ni le génie ni la savante organisation du judaïsme proprement dit, était traitée