Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/261

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Jean, il aurait avoué sa royauté, mais prononcé en même temps cette profonde parole : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » Puis il aurait expliqué la nature de sa royauté, se résumant tout entière dans la possession et la proclamation de la vérité. Pilate ne comprit rien à cet idéalisme supérieur. Jésus lui fit sans doute l’effet d’un rêveur inoffensif. Le manque total de prosélytisme religieux et philosophique chez les Romains de cette époque leur faisait regarder le dévouement à la vérité comme une chimère. Ces débats les ennuyaient et leur paraissaient dénués de sens. Ne voyant pas quel levain dangereux pour l’empire se cachait dans les spéculations nouvelles, ils n’avaient aucune raison d’employer la violence contre elles. Tout leur mécontentement tombait sur ceux qui venaient leur demander des supplices pour de vaines subtilités. Vingt ans plus tard, Gallion suivait encore la même conduite avec les Juifs. Jusqu’à la ruine de Jérusalem, la règle administrative des Romains fut de rester complétement indifférents dans ces querelles de sectaires entre eux.

Un expédient se présenta à l’esprit du gouverneur pour concilier ses propres sentiments avec les exigences du peuple fanatique dont il avait déjà tant de fois ressenti la pression. Il était d’usage, à propos de la fête de Pâque, de délivrer au peuple un prisonnier. Pilate, sachant que Jésus n’avait été arrêté que par suite de la jalousie des prêtres, essaya de le faire bénéficier de cette