Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/56

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obstiné qui, fondé par les pharisiens, fixé par le Talmud, a traversé le moyen âge et est venu jusqu’à nous.

Une nature ravissante contribuait à former cet esprit beaucoup moins austère, moins âprement monothéiste, si j’ose le dire, qui imprimait à tous les rêves de la Galilée un tour idyllique et charmant. Le plus triste pays du monde est peut-être la région voisine de Jérusalem. La Galilée, au contraire, était un pays très-vert, très-ombragé, très-souriant, le vrai pays du Cantique des cantiques et des chansons du bien-aimé. Pendant les deux mois de mars et d’avril, la campagne est un tapis de fleurs, d’une franchise de couleurs incomparable. Les animaux y sont petits, mais d’une douceur extrême. Des tourterelles sveltes et vives, des merles bleus si légers qu’ils posent sur une herbe sans la faire plier, des alouettes huppées, qui viennent presque se mettre sous les pieds du voyageur, de petites tortues de ruisseau, dont l’œil est vif et doux, des cigognes à l’air pudique et grave, dépouillant toute timidité, se laissent approcher de très-près par l’homme et semblent l’appeler. En aucun pays du monde les montagnes ne se déploient avec plus d’harmonie et n’inspirent de plus hautes pensées. Jésus semble les avoir particulièrement aimées. Les actes les plus importants de sa carrière divine se passent sur les montagnes ; c’est là qu’il était le mieux inspiré ; c’est là qu’il avait avec les anciens