Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/57

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prophètes de secrets entretiens, et qu’il se montrait aux yeux de ses disciples déjà transfiguré.

Ce joli pays, devenu aujourd’hui, par suite de l’énorme appauvrissement que l’islamisme a opéré dans la vie humaine, si morne, si navrant, mais où tout ce que l’homme n’a pu détruire respire encore l’abandon, la douceur, la tendresse, surabondait, à l’époque de Jésus, de bien-être et de gaieté. Les Galiléens passaient pour énergiques, braves et laborieux. Si l’on excepte Tibériade, bâtie par Antipas en l’honneur de Tibère (vers l’an 15) dans le style romain, la Galilée n’avait pas de grandes villes. Le pays était néanmoins fort peuplé, couvert de petites villes et de gros villages, cultivé avec art dans toutes ses parties. Aux ruines qui restent de son ancienne splendeur, on sent un peuple agricole, nullement doué pour l’art, peu soucieux de luxe, indifférent aux beautés de la forme, exclusivement idéaliste. La campagne abondait en eaux fraîches et en fruits ; les grosses fermes étaient ombragées de vignes et de figuiers ; les jardins étaient des massifs de pommiers, de noyers, de grenadiers. Le vin était excellent, s’il en faut juger par celui que les Juifs recueillent encore à Safed, et on en buvait beaucoup. Cette vie contente et facilement satisfaite n’aboutissait pas à l’épais matérialisme de notre paysan, à la grosse joie d’une Normandie plantureuse, à la pesante gaieté des Flamands. Elle se spiritualisait en rêves éthérés, en une sorte de mysticisme poétique