Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/59

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jours, au printemps, à travers les collines et les vallées, tous ayant en perspective les splendeurs de Jérusalem, les terreurs des parvis sacrés, la joie pour des frères de demeurer ensemble. La route que Jésus suivait d’ordinaire dans ces voyages était celle que l’on suit aujourd’hui, par Ginæa et Sichem. De Sichem à Jérusalem, elle est fort sévère. Mais le voisinage des vieux sanctuaires de Silo, de Béthel, près desquels on passe, tient l’âme eu éveil. Aïn-el-Haramié, la dernière étape, est un lieu mélancolique et charmant, et peu d’impressions égalent celle qu’on éprouve en s’y établissant pour le campement du soir. La vallée est étroite et sombre ; une eau noire sort des rochers percés de tombeaux, qui en forment les parois. C’est, je crois, la « vallée des pleurs, » ou des eaux suintantes, chantée comme une des stations du chemin dans le délicieux psaume LXXXIV, et devenue, pour le mysticisme doux et triste du moyen âge, l’emblème de la vie. Le lendemain, de bonne heure, on sera à Jérusalem ; une telle attente, aujourd’hui encore, soutient la caravane, rend la soirée courte et le sommeil léger.

Ces voyages, où la nation réunie se communiquait ses idées, et qui étaient presque toujours des foyers de grande agitation, mettaient Jésus en contact avec l’âme de son peuple, et sans doute lui inspiraient déjà une vive antipathie pour les défauts des représentants officiels du judaïsme. On veut que de bonne heure le désert