Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/58

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confondant le ciel et la terre. Laissez l’austère Jean-Baptiste dans son désert de Judée, prêcher la pénitence, tonner sans cesse, vivre de sauterelles en compagnie des chacals. Pourquoi les compagnons de l’époux jeûneraient-ils pendant que l’époux est avec eux ? La joie fera partie du royaume de Dieu. N’est-elle pas la fille des humbles de cœur, des hommes de bonne volonté ?

Toute l’histoire du christianisme naissant est devenue de la sorte une délicieuse pastorale. Un Messie aux repas de noces, la courtisane et le bon Zachée appelés à ses festins, les fondateurs du royaume du ciel comme un cortége de paranymphes : voilà ce que la Galilée a osé, ce qu’elle a fait accepter. La Grèce a tracé de la vie humaine par la sculpture et la poésie des tableaux admirables, mais toujours sans fonds fuyants ni horizons lointains. Ici manquent le marbre, les ouvriers excellents, la langue exquise et raffinée. Mais la Galilée a créé à l’état d’imagination populaire le plus sublime idéal ; car derrière son idylle s’agite le sort de l’humanité, et la lumière qui éclaire son tableau est le soleil du royaume de Dieu.

Jésus vivait et grandissait dans ce milieu enivrant. Dès son enfance, il fit presque annuellement le voyage de Jérusalem pour les fêtes. Le pèlerinage était pour les Juifs provinciaux une solennité pleine de douceur. Des séries entières de psaumes étaient consacrées à chanter le bonheur de cheminer ainsi en famille, durant plusieurs