Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parole dure, il interdisait le divorce et tout serment, il blâmait le talion, il condamnait l’usure, il trouvait le désir voluptueux aussi criminel que l’adultère. Il voulait un pardon universel des injures. Le motif dont il appuyait ces maximes de haute charité était toujours le même : « ... Pour que vous soyez les fils de votre Père céleste, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants. Si vous n’aimez, ajoutait-il, que ceux qui vous aiment, quel mérite avez-vous ? Les publicains le font bien. Si vous ne saluez que vos frères, qu’est-ce que cela ? Les païens le font bien. Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. »

Un culte pur, une religion sans prêtres et sans pratiques extérieures, reposant toute sur les sentiments du cœur, sur l’imitation de Dieu, sur le rapport immédiat de la conscience avec le Père céleste, étaient la suite de ces principes. Jésus ne recula jamais devant cette hardie conséquence, qui faisait de lui, dans le sein du judaïsme, un révolutionnaire au premier chef. Pourquoi des intermédiaires entre l’homme et son Père ? Dieu ne voyant que le cœur, à quoi bon ces purifications, ces pratiques qui n’atteignent que le corps ? La tradition même, chose si sainte pour le juif, n’est rien, comparée au sentiment pur. L’hypocrisie des pharisiens, qui en priant tournaient la tête pour voir si on les regardait, qui faisaient leurs aumônes avec fracas, et mettaient sur leurs habits des signes qui les faisaient reconnaître