Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/152

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aurait alors parfaitement raison contre elle. Le seul moyen légitime de faire l’apologie de la science, c’est de l’envisager comme élément essentiel de la perfection humaine. Le livre chrétien par excellence, l’Imitation, après avoir débuté comme le Maître de ceux qui savent par ces mots : « Tout homme désire naturellement savoir, » avait toute raison d’ajouter « Mais qu’importe la science sans l’amour ? Mieux vaut l’humble paysan qui sert Dieu, que le superbe philosophe qui considère le cours des astres et se néglige lui-même. Qu’importe la connaissance des choses dont l’ignorance ne nous fera point condamner ? Tout est vanité, excepté aimer Dieu et le servir. » Cela est indubitable, si la science est conçue comme une simple série de formules, si le parfait amour est possible sans savoir. Si l’on met d’un côté la perfection, de l’autre la vanité, comment ne pas suivre la perfection ? Mais c’est précisément ce partage qui est illégitime. Car la perfection est impossible sans la science. La vraie façon d’adorer Dieu, c’est de connaître et d’aimer ce qui est.


VIII


La philologie est, de toutes les branches de la connaissance humaine, celle dont il est le plus difficile de saisir le but et l’unité. L’astronomie, la zoologie, la botanique ont un objet déterminé. Mais quel est celui de la philologie ? Le grammairien, le linguiste, le lexicographe, le critique, le littérateur dans le sens spécial du mot, ont