œuvre. Anquetil-Duperron était certes un patient et zélé chercheur. Pourquoi cependant tous ses travaux ont-ils dû être repris en sous-œuvre et radicalement réformés ? C’est qu’il n’était pas philologue.
On pourrait croire qu’en rappelant l’activité intellectuelle à l’érudition on constate par la même son épuisement, et qu’on assimile notre siècle à ces époques où la littérature ne pouvant plus rien produire d’original devient critique et rétrospective. Sans doute, si notre érudition n’était qu’une lettre pâle et morte, si, comme certains esprits étroits, nous ne cherchions dans la connaissance et l’admiration des œuvres du passé que le droit pédantesque de mépriser les œuvres du présent. Mais, outre que nos créations sont plus vivaces que celles des anciens, et que chaque nation moderne peut fournir de la sève à deux ou trois littératures superposées, notre manière de concevoir la philologie est bien plus philosophique et plus féconde que celle de l’antiquité. La philologie n’est pas chez nous, comme dans l’école d’Alexandrie, une simple curiosité d’érudit ; c’est une science organisée, ayant un but sérieux et élevé ; c’est la science des produits de l’esprit humain. Je ne crains pas d’exagérer en disant que la philologie, inséparablement liée à la critique, est un des éléments les plus essentiels de l’esprit moderne, que sans la philologie le monde moderne ne serait pas ce qu’il est, que la philologie constitue la grande différence entre le moyen âge et les temps modernes. Si nous surpassons le moyen âge en netteté, en précision, en critique, nous le devons uniquement à l’éducation philologique.
Le moyen âge travaillait autant que nous, le moyen âge a produit des esprits aussi actifs, aussi pénétrants