Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/229

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production littéraire contemporaine, c’est se placer à un point de vue plus étroit encore. Dans un remarquable discours prononcé au Congrès des philologues allemands à Bonn, en 1841, M. Welcker, en essayant de définir l’acception de la philologie (Über die Bedeutung der Philologie), l’envisagea presque exclusivement de cette manière (94). La philologie aux yeux de M. Welcker est la science des littératures classiques, c’est-à-dire des littératures modèles, qui, nous offrant le type général de l’humanité, doivent convenir à tous les peuples et servir également à leur éducation. M. Welcker estime surtout l’étude de l’antiquité par l’influence heureuse qu’elle peut exercer sur la littérature et l’éducation esthétique des nations modernes. Les anciens sont beaucoup plus pour lui des modèles et des objets d’admiration que des objets de science. Ce n’est pas néanmoins à une imitation servile que M. Welcker nous invite. Ce qu’il demande, c’est une influence intime et secrète, analogue à celle de l’électricité, qui, sans rien communiquer d’elle-même, développe sur les autres corps un état semblable ; ce qu’il blâme, c’est la tentative de ceux qui veulent trouver chez les modernes la matière suffisante d’une éducation esthétique et morale. M. Welcker n’envisage donc la philologie qu’au point de vue de l’humaniste, et non au point de vue du savant. Pour nous, il nous semble que l’on place la philologie dans une sphère beaucoup plus élevée et plus sûre, en lui donnant une valeur scientifique et philosophique pour l’histoire de l’esprit humain, qu’en la réduisant à n’être qu’un moyen d’éducation et de culture littéraire. Si les nations modernes pouvaient trouver en elles-mêmes un levain intellectuel suffisant, une source vive et première d’inspirations originales, il faudrait bien