Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/243

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plus curieux exemples d’études dignes d’être poursuivies avec le plus grand zèle, malgré l’incertitude des résultats auxquels elles amèneront. Je ne parle pas des inscriptions persanes, qui sont toutes expliquées ; je parle seulement des inscriptions médiques, assyriennes et babyloniennes, que ceux mêmes qui y ont consacré de laborieuses heures reconnaissent indéchiffrées. Jusqu’à quel point résisteront-elles toujours aux doctes attaques des savants, il est impossible de le dire. Mais en prenant l’hypothèse la plus défavorable, en supposant qu’elles restent à jamais une énigme, ceux qui y auront consacré leurs labeurs n’auront pas moins mérité, de la science que si, comme Champollion, ils eussent restauré tout un monde ; car même dans le cas où cet heureux résultat ne se serait pas réalisé, le succès n’était pas à la rigueur impossible, et il n’y avait pas moyen de le savoir, si on ne l’eût essayé.

Dans l’état actuel de la science, il n’y a pas de travail plus urgent qu’un catalogue critique des manuscrits des diverses bibliothèques. Ceux qui se sont occupés de ces recherches savent combien ils sont tous insuffisants pour donner une idée exacte du contenu du manuscrit, combien ceux de la Bibliothèque nationale, par exemple, fourmillent de fautes et de lacunes. Voilà en apparence une besogne bien humble, et à laquelle suffirait le dernier élève de l’École des Chartes. Détrompez-vous. Il n’y a pas de travail qui exige un savoir plus étendu, et toutes nos sommités scientifiques, examinant les manuscrits dans le cercle le plus borné de leur compétence, suffiraient à peine à le faire d’une manière irréprochable. Et pourtant les recherches érudites seront entravées et incomplètes, jusqu’à ce que ce travail soit fait d’une manière définitive.