Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/272

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grecque. Pétrarque et Boccace, en faisant connaître Homère ; Ambroise Traversari, en traduisant Diogène Laërte ; le Pogge, en découvrant Quintilien et traduisant Xénophon ; Aurispa, en apportant en Occident des manuscrits de Plotin, de Proclus, de Diodore de Sicile ; Laurent Valla, en traduisant Hérodote et Thucydide, ont rendu un plus grand service aux littératures classiques que s’ils eussent prématurément abordé les hautes questions d’histoire et de critique. Sans doute, il est des superstitions littéraires et des fautes de critique où tombaient fatalement ces premiers humanistes, et que nous, aiguisés que nous sommes par la comparaison d’autres littératures, nous pouvons éviter. De prime abord, nous pouvons faire sur ces littératures presque inconnues des tours de force de critique qui n’ont été possibles pour les littératures grecque et latine qu’au bout de deux ou trois siècles. Les premiers qui ont étudié Manou ou le Mahabharat y ont découvert ce qu’il a fallu trois ou quatre cents ans pour apercevoir dans Homère et Moïse. Il faut maintenir toutefois « que l’époque des dissertations et des mémoires n’est pas encore venue pour l’Inde, ou plutôt qu’elle est déjà passée, et que les travaux des Colebrooke et des Wilson, des Schlegel et des Lassen ont fermé pour longtemps la carrière qu’avait ouverte avec tant d’éclat le talent de Sir William Jones (104). L’histoire littéraire de l’Inde en effet ne sera possible qu’au bout de deux siècles de travaux comme ceux que le xvie et le xviie siècle ont consacrés aux littératures classiques. Les travaux de cet ordre sont les seuls qui, dans l’état actuel de la science, aient une valeur réelle et durable. Toutefois, comme il est vrai de dire qu’un système incomplet pourvu qu’on n’y tienne pas d’une façon étroite, vaut mieux que l’absence de