Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/327

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perstition poétique et vague a son charme ; mais la superstition réaliste n’est que grossière. Si l’esprit critique est beaucoup plus répandu dans l’Allemagne du Nord qu’en France, la cause en est sans doute dans la différence de l’enseignement religieux, ici positif et dur, là indécis et purement humain.


XVI


Ai-je bien fait comprendre la possibilité d’une philosophie scientifique, d’une philosophie qui ne serait plus une vaine et creuse spéculation, ne portant sur aucun objet réel, d’une science qui ne serait plus sèche, aride, exclusive, mais qui, en devenant complète, deviendrait religieuse et poétique ? Le mot nous manque pour exprimer cet état intellectuel, où tous les éléments de la nature humaine se réuniraient dans une harmonie supérieure, et qui, réalisé dans un être humain, constituerait l’homme parfait. Je l’appelle volontiers synthèse, dans le sens spécial que je vais expliquer.

De même que le fait le plus simple de la connaissance humaine s’appliquant à un objet complexe se compose de trois actes : 1° vue générale et confuse du tout ; 2° vue distincte et analytique des parties ; 3° recomposition synthétique du tout avec la connaissance que l’on a des parties ; de même l’esprit humain, dans sa marche, traverse trois états qu’on peut désigner sous les trois noms de syncrétisme, d’analyse, de synthèse, et qui correspondent a ces trois phases de la connaissance.