J’ai été spectateur de ces fatales journées dont il faudra dire :
Excidat illa dies æevo, nec postera excedant
Sæcula, nos etiam taccamus, et oblita multa
Nocte tegi nostræ patiamur crimina gentis.
Dieu sait si un moment j’ai souhaité le triomphe des
barbares. Et pourtant je souffrais quand j’entendais des
hommes honnêtes déverser le rire, le mépris ou la colère
sur ces lamentables folies ; je m’irritais quand j’entendais
applaudir à de sanglantes vengeances ou regretter qu’on
n’en eût pas fait assez. Car enfin, ces insensés savaient-ils
ce qu’ils faisaient, et était-ce leur faute si la société les
avait laissés dans cet état d’imbécillité où ils devaient, au
premier jour d’épreuve, devenir le jouet des insensés et
des pervers ?
Plus que personne, je gémis des folies populaires, et je veux qu’on les réprime. Mais ces folies n’excitent en moi qu’un regret, c’est qu’une moitié de l’humanité soit ainsi abandonnée a sa bestialité native, et je ne comprends pas comment toute âme honnête et clairvoyante n’en tire pas immédiatement cette conséquence : De ces bêtes, faisons des hommes. Ceux qui rient cruellement de ces folies m’irritent ; car ces folies sont, en partie, leur ouvrage.
On disait naguère, à propos de cette lamentable Italie : « Voyez, je vous prie, si ce peuple est digne de sa liberté ; voyez comme il en use et comme il sait la défendre. » — Ah ! sans doute ; mais à qui la faute ? A ceux qu’on a condamnés) à la nullité, et qui, vieillards, se réveillent enfants ; ou à ceux qui les ont tenus dans la dépression, et qui viennent après cela reprocher à un grand pays l’immoralité qu’ils ont faite (147) ? Cette indignation restera une