qu’il n’y ait plus à y revenir. Ce n’est pas-en courant çà et là, en engouffrant et rejetant toutes les idées avec une effrayante voracité, sans les mastiquer ni les digérer, qu’une œuvre aussi sérieuse s’accomplira.
Je le répète, si l’on n’envisageait dans la civilisation que le bien personnel qui en résulte pour les civilisés, peut-être faudrait-il hésiter à sacrifier pour le bien de la civilisation une portion de l’humanité à l’autre. Mais il s’agit de réaliser une forme plus ou moins belle de l’humanité ; pour cela, le sacrifice des individus est permis. Combien de générations il a fallu sacrifier pour élever les gigantesques terrasses de Ninive et de Babylone. Les esprits positifs trouvent cela tout simplement absurde. Sans doute, s’il s’était agi de procurer des jouissances d’orgueil à quelque tyran imbécile. Mais il s’agissait d’esquisser en pierre un des états de l’humanité. Allez, les générations ensevelies sous ces masses ont plus vécu que si elles avaient végété heureuses sous leur vigne et sous leur figuier (161).
J’ai sous les yeux en écrivant ces lignes la grande merveille de la France royale, Versailles. Je repeuple en esprit ces déserts de tout le siècle qui s’est envolé. Le roi au centre ; ici Condé et les princes ; là-bas, dans cette allée, Bossuet et les évêques ; ici au théâtre, Racine, Lulli, Molière et déjà quelques libertins ; sur les balustres de l’Orangerie, madame de Sévigné et les grandes dames ; là-bas, dans ces tristes murs de Saint-Cyr, madame de Maintenon et l’ennui. Voilà une civilisation très critiquable assurément, mais parfaitement une et complète ; c’est une forme de l’humanité, comme telle autre. Ce serait bien dommage après tout qu’elle n’eût pas été représentée. Eh bien, elle ne pouvait l’être qu’au prix de terribles