nuelle. J’acquerrais pendant ces heures de loisir les connaissances positives, je ruminerais pendant les autres ce que j’aurais acquis. Il y a certains métiers qui devraient être les métiers réserves des philosophes, comme labourer la terre, scier les pierres, pousser la navette du tisserand, et autres fonctions qui ne demandent absolument que le mouvement de la main (165). Toute complication, toute chose qui exigerait la moindre attention, serait un vol fait à sa pensée. Le travail des manufactures serait même à cet égard bien moins avantageux.
Croyez-vous qu’un homme, dans cette position, ne serait pas plus libre pour philosopher qu’un avocat, un médecin, un banquier, un fonctionnaire ? Toute position officielle est un moule plus ou moins étroit pour y entrer, il faut briser et plier de force toute originalité. L’enseignement est maintenant le recours presque unique de ceux qui, ayant la vocation des travaux de l’esprit, sont réduits par des nécessités de fortune, à prendre une profession extérieure ; or l’enseignement est très préjudiciable aux grandes qualités de l’esprit ; l’enseignement absorbe, use, occupe infiniment plus que ne ferait un métier manuel. On se rappelle les lollards du moyen âge, ces tisserands mystiques, qui, en travaillant, lollaient en cadence, et mêlaient le rythme du cœur au rythme de la navette. Les béguards de Flandre, les humiliati d’Italie, arrivèrent aussi à une grande exaltation mystique et poétique, sous la pression vive de cet archet mystérieux, qui fait vibrer si puissamment les âmes neuves et naïves.
Si la plupart de ceux qui exercent les fonctions réputées serviles sont réellement abrutis, c’est qu’ils ont la tête vide, c’est qu’on ne les applique à ces nullités que parce qu’ils sont incapables du reste, c’est que cette fonction