vraiment élevé a toute sa fierté au dedans. Tenir compte de l’humiliation extérieure, c’est témoigner qu’on fait encore quelque cas de ce qui n’est pas l’âme. L’esclave abruti, qui se sentait inférieur à son maître, supportait les coups comme venant de la fatalité, sans songer à réagir par la colère. L’esclave cultivé, qui se sentait l’égal de son maître, devait le haïr et le maudire, mais l’esclave philosophe, qui se sentait supérieur à son maître, ne devait se trouver en aucune façon humilié de le servir. S’irriter contre lui eût été s’égaler a lui ; mieux valait le mépriser intérieurement et se taire. Marchander les respects et les soumissions, c’eût été les prendre au sérieux. On n’est sensible qu’aux offenses de ses égaux ; les injures d’un goujat touchent ses semblables, mais ne nous atteignent pas. De même ceux que leur excellence intérieure rend susceptibles, irritables, jaloux d’une dignité extérieure proportionnée à leur valeur, n’ont point encore dépassé un certain niveau, ni compris la vraie royauté des hommes de l’esprit.
L’idéal de la vie humaine serait un état, où l’homme aurait tellement dompté la nature que le besoin matériel ne fût plus un mobile, où ce besoin fût satisfait aussitôt que senti, où l’homme, roi du monde, eût à peine à dépenser quelque travail pour le maintenir sous sa dépendance, et cela presque sans y penser, et par la partie sacrifiée de sa vie, où toute l’activité humaine en un mot se tournât vers l’esprit, et où l’homme n’eût plus à vivre que de la vie céleste. Alors ce serait réellement le règne de l’esprit, la religion parfaite, le culte du Dieu esprit et vérité. L’humanité a encore besoin d’un stimulant matériel, et maintenant un tel état serait préjudiciable car il n’engendrerait que la paresse. Mais cet inconvénient est tout relatif. Pour nous autres, hommes de l’esprit, le tra-