Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/462

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siècle, et les sots, qui ne craignent rien tant que de paraître dupes, renchérissent sur ce ton facile. De même qu’au xviiie siècle il était de mode de ne pas croire à l’honneur des femmes, de même il n’est pas de provincial quelque peu leste qui, de nos jours, ne se fasse un genre de n’avoir aucune foi politique et de ne pas se laisser prendre à la probité des gouvernants. C’est une manière de prendre sa revanche, et aussi de faire croire qu’il est initié aux hauts secrets.

L’honneur de la philosophie est d’avoir eu toujours pour ennemis les hommes frivoles et immoraux, qui, ne trouvant point en eux l’instinct des belles choses, déclarent hardiment que la nature humaine est laide et mauvaise, et embrassent avec une sorte de frénésie toute doctrine qui humilie l’homme et le tient fortement sous la dépendance. Là est le secret de la foi de cette jeunesse catholique dorée, profondément sceptique, dure et méprisante, qui trouve plaisant de se dire catholique, car c’est une manière de plus d’insulter les idées modernes. Cela dispense de sentir noblement ; à force de se dire que la nature humaine est sale et corrompue, on finit par s’y résigner et par prendre la chose de bonne grâce (179). L’Église aura des indulgences pour les égarements du cœur, et puis il est si commode à la fatuité aristocratique de croire que la masse du genre humain est absurde et méchante, et d’avoir sous la main une lourde autorité pour couper court aux raisonnements de ces impertinents philosophes, qui osent croire à la vérité et à la beauté. O vilaines âmes, qu’il fait nuit en vous, que vous aimez peu de choses Et on nous appellera les impies, et on vous appellera les croyants ! Cela n’est pas tolérable.

Dieu me garde d’insulter jamais ceux qui, dénués de